Quels souvenirs avez-vous gardé de votre carrière de sportif de haut niveau ?
R. Bogey : De très bons souvenirs. Et particulièrement le premier titre en championnat de France scolaire. C'était en 1955 et j'étais alors junior. Je suivais des cours à l'Ecole Normale d'instituteurs à Bonneville. Elève de René Long, dans une classe unique, à l'époque, j'avais une vraie chance d'être choisi pour faire une formation d'instituteur.
Pourquoi l'athlétisme ?
R. Bogey : J'avais une préparation physique naturelle car, habitant la campagne, j'aidais mes parents à faire les travaux des champs. Ma première victoire a été les championnats de France à Autun dans une épreuve de 3000 mètres sur piste, au stade Jean Bouin.
Et au niveau de l'équipe de France ?
R. Bogey : Nommé instituteur à Annecy, j'ai obtenu ma première sélection internationale en 1957. J'avais battu Alain Mimoun au championnat de France sur piste en septembre, au stade de Colombe sur l'épreuve du 5000 m. Là j'égalais le record des Alpes en 14', 20'', 06'''. Rentré au bataillon de Joinville, dans des conditions un peu difficiles, j'avais un peu stagné car l'air pur et naturel de la Savoie me manquait terriblement. J'avais du mal à supporter l'air vicié de la Région parisienne. Je gagnais, malgré cela, le titre de champion de France militaire de cross en 1958.
En 1960, j'avais battu le record de France des 5000 à 13' 58'' avec Michel Bernard. Dans la même foulée, je fus Champion de France aux 10 000 mètres, battant ainsi le record détenu jusque là par Alain Mimoun.
Au niveau international ?
R. Bogey : Je fus alors sélectionné dans l'équipe de France qui rencontrait l'équipe d'Allemagne. En 1961, nous étions dans l'équipe de France pratiquement imbattable. Nous avions battu le record du monde des 4 fois 1500 mètres à Versailles. Nous avions cette année là, battu tous les records. Sur une tournée en Suède, le record de France des 3000 mètres. Dans la semaine, il m'arrivait d'enchaîner jusqu'à quatre courses. Ce qui m'a occasionné de ne faire que la 5ème performance aux Jeux Olympiques en 1960.
Des figures qui vous ont marqué ?
R. Bogey : Tous les plus grands avec l'incontournable et emblématique Emile Zatopek que j'avais connu et admiré pour ses grandes performances. Il a été le générateur d'immenses vocations pour le sport en général et pour l'athlétisme en particulier. Je respectais Alain Mimoun, Michel Jazy et beaucoup d'autres.
Comment court-on aujourd'hui ?
R. Bogey : Avant on ne courait pas le record, on privilégiait plutôt la victoire. Comme on le faisait jadis, le coureur court toujours, avec ses muscles, il résiste aux autres concurrents avec ses capacités organiques et il gagne enfin avec son cerceau.
Que vous a apporté le sport ?
R. Bogey : Il m'a permis d'ouvrir une fenêtre sur le monde. Partant d'une petite bourgade de Savoie, c'était inouï comme sensation pour un petit gamin de Cusy qui ouvre les yeux sur plein de choses. J'ai pu ainsi visiter beaucoup de parties de la planète. N'est ce pas génial. N'est ce pas une grande chance pour un petit savoyard comme moi ?
Pourquoi vous étiez-vous arrêté ?
R. Bogey : J'avais eu une mauvaise infection alimentaire contractée à Sao Paulo et qui avait considérablement freiné ma carrière de sportif de haut niveau.
Que conseilleriez-vous aux jeunes qui veulent se lancer dans le sport ?
R. Bogey : De ne pas tout miser sur le sport et surtout prendre plaisir en s'entraînant. De ne pas gagner à n'importe quel prix et respecter une certaine éthique. L'athlétisme est un sport universel et il développe un langage de solidarité et de paix.
Quelles étaient les valeurs essentielles ?
R. Bogey : L'amitié dans l'équipe de France. J'ai encore un souvenir avec Michel Jazy, grand homme simple et avenant qui a beaucoup apporté aux jeunes générations. Il nous tirait tous vers le haut.
Robert Bogey, êtes-vous, aujourd'hui, un homme heureux ?
R. Bogey : Je suis un homme heureux, et l'ASA est une vraie famille qui me donne beaucoup et où l'on se sent si bien avec les autres.