Daniel Bouvier-Belleville
et Sergio Palumbo
pour 123 Savoie
Merci au Musée Savoisien de Chambéry de nous avoir fourni certains clichés.
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| | L'église de Lémunc* est située sur les hauteurs de la ville de Chambéry. Cette colline est depuis longtemps habitée. Une très ancienne légende, transmise par le Père Fodéré au XVIIème siècle, veut que depuis une tour, une lanterne fût allumée pour guider les voyageurs dans la nuit, tel un phare. |
En effet en bas, dans la vallée, se trouvaient les méandres marécageux de l'Albanne et de la Leysse. Nous savons que la route consulaire, partant de Vienne pour aller à Aoste passait par un poste appelé Lémuncum.
Cette station était assez importante pour être mentionnée dès le IIIème et VIème siècles. Au IXème siècle, les Bénédictins de l'Abbaye lyonnaise de St-Martin d'Ainay prirent possession de l'église de Lémenc. Ce prieuré bénédictin deviendra très important car il se trouvait sur la route menant à Rome par le Col du Mont-Cenis. Il servait à accueillir les pèlerins pour la prière, les offrandes et le repos. Les bénédictins élevèrent au XIème siècle une église romane sur les vestiges d'un temple romain. Pour l'époque cette église était relativement importante. Les bénédictins assurèrent les fonctions paroissiales, l'église de Lémunc étant la plus ancienne, elle garda la primauté sur le secteur de Chambéry et notamment les droits de dîmes et diverses redevances. En 1176, l'archevêque d'Armagh en Irlande revenant de Rome, s'arrêta à Lemenc car il était gravement malade. Il y mourut en odeur de Sainteté et ses reliques sont toujours conservées dans l'église.
Le 8 Septembre 1445, le clocher brûla, et suite à cette catastrophe, il fut décidé de reconstruire et d'agrandir la vieille église romane. Les travaux se finirent vers 1513. Au cours de l'année 1497, un évènement funèbre se déroula dans le prieuré de Lémunc. Le 7 Novembre de cette même année, mourut le Duc de Savoie Philippe II, dans les appartements du prieur. Il s'en revenait de Turin, gravement malade. Ces entrailles, son coeur et son cerveau furent déposés dans un mausolée élevé dans le coeur de l'église. En 1602 le clocher fut gratifié de 4 cloches provenant du butin de guerre du Général Chabod de Jacob qu'il fit en l'église de Barraux. Un évènement porta ombrage au prieuré de Lémenc. Ce fut la construction de la Sainte Chapelle, en 1408 au sein du château des Ducs de Savoie.
En 1583 Philibert-François Milliet, alors Evêque de Maurienne et Archevêque de Turin et Prieure commendataire dut se résoudre à la réforme de son prieuré, causé par son déclin. En 1603 le Pape Clément VIII, dans une bulle érigea Lémenc en commanderie de l'Ordre des St-Maurice et Lazard. Dès lors les bénédictins furent remplacés par des cisterciens réformés de l'Ordre des Feuillants. Ces derniers en prirent totalement possession en 1616. Les revenus du prieuré provenaient des dons faits à l'Ordre des St-Maurice et Lazard. Les cisterciens firent des travaux intellectuels importants et notamment un sur l'histoire de l'Abbaye Piémontaise de la Novalaise et un manuscrit sur la Royale Maison de Savoie. La révolution mit fin à l'existence de la commanderie et les Feuillants furent chassés avant le 1er Juin 1793.
Le clocher et le carillon furent détruits, le jubé démoli et les stalles enlevées. Le reste du prieuré fut vendu comme bien national en Mars 1799 à Marc Gyrde. En 1807 les religieuses de la Visitation, rachetèrent l'ensemble du prieuré pour y établir leur couvent. L'église délaissée et bien abîmée fut rendue aux habitants de Lémenc. Le rétablissement du culte eut lieu lors du Concordat de 1801. En 1828 le Roi de Sardaigne Charles-Félix de Savoie vint visiter le monument et se recueillir devant les reliques de St-Concorde. Lors de la mort du Comte Benoît de Boigne en 1830, toute la ville de Chambéry vint assister en grande cérémonie à la sépulture du Comte à Lémenc. Juste à côté de l'église se trouve les vestiges de l'ancien cimetière du Prieuré qui s'étendait sur le parking actuel et dans lequel on trouve une plaque indiquant la tombe de Madame de Warens. Elle aurait été enterrée dans la fosse commune du cimetière.
Mais le joyau de l'église n'est autre que sa crypte et sa rotonde préromane ainsi que la mise au tombeau qui s'y trouve. On descend dans la crypte par 2 escaliers de part et d'autre de la nef. Ces derniers arrivent dans une chapelle souterraine, composée d'une très ancienne rotonde reliée par trois nefs à une abside polygonale plus récente qui abrite une mise au tombeau. Au centre de la rotonde s'élèvent six colonnes supportées par une margelle hexagonale. Son sommet est surmonté d'une coupole le tout entouré d'un déambulatoire. L'ensemble est un vestige de l'art préroman. Dans l'abside de la crypte se trouve la mise au tombeau datant du XVème siècle. Il est fait de pierre blanche de Seyssel et il provient de l'église des Antonins de Chambéry.
* Lémunc : Nom ancien transformé depuis en Lémenc |
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