Un gyrophare lance des éclairs bleus dans la nuit, la sirène rugit, un son identifiable entre mille, le camion rouge vif aux chromes étincelants dévale en trombe. A son volant, des hommes en uniformes ignifugés, zébrés de bandes réfléchissantes, coiffés d'un casque argent rutilant leur mange la moitié du crâne. Le métier de pompier est un art entier, extrême. Rencontre. "Il n'y a pas de fumée sans feu", plaisante Gilles Chery, 42 ans, sapeur professionnel à la caserne de Chambéry. "Beaucoup de pompiers le sont par filiation. C'est dans le sang. Rouge ! Mais pour ma part, j'ai découvert le métier alors que je cherchais un boulot d'été. Lors d'importants feux de forêts dans le Var, à St Maxime et Antibes, les sapeurs recrutaient des jeunes, sans formation particulière, pour les combattre. C'est là que j'ai eu l'étincelle ".
"Après mon service militaire à la BSPP (Brigade de Sapeurs Pompiers de Paris), où est formé le gros des troupes de professionnels, j'ai passé le concours de recrutement à Chambéry. Cela fait vingt ans que j'y suis ". Les soldats du feu sont donc des passionnés et leurs uniformes leur collent à la peau. Le métier est physiquement exigeant, l'entraînement quotidien, alliant endurance et force musculaire. "A la brigade des pompiers de Paris, le niveau de difficulté des classes est équivalent à celui des corps d'élite de l'armée, poursuit le sapeur. La durée de service ? 15 ans ! Chez les pompiers professionnels, il faut aussi rester en bonne condition, ce jusqu'à 55 ans. On peut en effet être confronté à une situation exceptionnelle, potentiellement dangereuse, n'important quand, et à n'importe quel âge. Rien ne nous est épargné : incendie dans un tunnel, dans un appartement, plongée sous un lac gelé, recherche en montagne de nuit, intervention spéléo ". Après une petite pause, Gilles Chery reprend : " Tout le monde est d'accord pour reconnaître que c'est un métier risqué, à forte responsabilité. Cela nous amène à être exposé de plus en plus fréquemment aux feux de la rampe. C'est pourquoi, il faut être paré, mentalement et physiquement. Avoir le feu sacré en somme ! " lance-t-il avec humour.
Caserne donc collectivité
Lorsqu'il s'agit d'évoquer la vie intrinsèque de la caserne, l'homme confie combien : "il faut aimer cet esprit de groupe et de camaraderie. Nous avons bien sûr des relations de travail, mais ce qui nous soude avant tout, c'est notre amitié. En intervention, nous agissons toujours en binômes, il faut pouvoir compter sur l'autre. Cette entente est essentielle quand on passe ensemble les 24 heures d'une garde".
Marié donc pas aisé
Ces horaires fluctuants rendre délicat, mais non impossible, la vie de famille, pour peu que les jours de repos soient bien utilisés. "Le plus dur est de trouver la femme " idéale ", conciliante " sourit ce mari comblé, père de deux enfants. Sa famille, sans trop le lui faire ressentir, le regarde parfois partir au front avec une flamme d'inquiétude. " Mes frères m'envient car j'ai la chance d'exercer un métier varié, où la routine n'a pas sa place. Les spécialisations sont nombreuses, de la plongée à la montagne, en passant par la spéléologie, les risques chimiques ou les interventions animalières. Sans oublier les secours aux victimes en ambulance et les incendies. Et puis, que l'on soit pompier de base ou officier, nous avons tous la possibilité de gravir les échelons de l'échelle sociale. Nous sommes un corps de métier apprécié, les gens nous le montrent. Quoi de plus valorisant, c'est vrai, que d'être au service des autres ? "
Fabien Guichardan - Journal Alp'Horizon, mensuel d'information, Chambéry, février 2004.
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