A propos des armoiries d'Albertville !....
En cherchant bien dans les Archives Municipales, Départementales, beaucoup de communes en France, non sans fierté légitime, réaffirment l'intérêt de posséder leurs propres armoiries.... Dans le courrier officiel, dans les cartons d'invitations, aux inaugurations, évènements ponctuels dans la vie de la cité, les armoiries ornementent et marquent l'entité territoriale ! Si de nos jours, les collectivités ajoutent, grâce aux graphismes et à l'ordinateur, des logos aux armoiries, les messages qu'ils passent aux générations des concitoyens ont toujours un poids considérable. Il s'agit, effectivement, à travers les règles héraldiques, d'une devise forte, de rappeler la vitalité, les valeurs morales d'une ville, à travers des hommes et des femmes qui en furent les acteurs, animateurs et décideurs.... Souvent, le graveur sur métal, sur émaux, a évité la surcharge des motifs pour aller à l'essentiel. Les armoiries, dans leur fonctionnalité de prétention, de concession, de patronage sont les signes ou emblèmes visibles d'une tranche de l'histoire d'une ville et des familles... C'est une invitation à la découverte d'une civilisation, d'un mode de vie.... Derrière le mythe des armoiries, se cache le miroir de notre société, de sa représentativité, de ses faiblesses mais aussi de sa grandeur !....
"L'armoirie est faite par l'homme et pour l'homme !" Les armoiries d'Albertville ont été prises en modèle il y a quelques années sur le porte clé de l'association "Les Amis du Vieux Conflans" . L'abbé Marius Hudry, dans plusieurs ouvrages, dont une plaquette éditée pour le 150ème anniversaire de la création d'Albertville fêté en 1986, a traité de l'historique et de l'originalité des armoiries de notre ville.... C'est un résumé des points importants de son texte, que nous vous proposons, sachant qu'il invitera les internautes et visiteurs à approfondir l'histoire d'Albertville et de ses habitants. Dans la logique de la réunification des communes rivales de Conflans et l'Hôpital, les armoiries d'Albertville sont constituées à partir des deux cités. L'abbé Hudry signalait que les armoiries de Conflans furent dessinées à la fin du 17ème et 18ème siècle. Le 23 mai 1687, un édit de la Duchesse Jeanne Baptiste de Savoie Nemours, régente, pour son fils Victor Amédée II, ordonnait de constituer un recueil de toutes les armoiries existant dans les Etats de Savoie (cités, communes, familles). On en confia l'exécution à Gian Tommaso Borgonio...
Les armoiries de Conflans sont celles de Savoie avec un signe distinctif. Pour Chambéry, on ajouta une étoile ; ici une tour. Cela rappelle que Conflans, pendant plusieurs siècles, fut une châtellenie de la Maison de Savoie. A plusieurs reprises, elle la concéda en fief : à Aymon de Savoie-Achaie de 1360 à 1364, à Hélène de Luxembourg, femme de Janus de Savoie, Comte de Genève et à ses descendants à partir de 1485, à Aimé de Savoie, Marquis de Saint Rambert en 1594, avec création du fief en comté, et enfin à Gérard de Watteville et à ses descendants de 1621 à 1766. Cette dernière inféodation élevait le fief en marquisat et actuellement, la couronne de marquis au-dessus de l'écu l'évoque. Ajoutons que l'Archevêque de Tarentaise, ayant cédé son titre de Comte, fut fait Prince de Conflans par le roi Charles Emmanuel III en 1769. Quant à la tour, l'héraldiste s'est reporté aux titres de châtellenie : dans l'acte de 1319 qui mettait le Comte de Savoie en possession de Conflans, il est spécifié qu'Humbert de Conflans, remet à Amédée V "sa maison forte et tour de la Pierre nommée Nasine".
Il y a donc tout lieu de croire que la tour Nasine, qui était située près de la porte de Savoie, à l'emplacement actuel d'une villa dominant la montée de Conflans, est représentée symboliquement dans les armoiries de Conflans. En 1835, le secrétaire de la commune de Conflans disposait de deux cachets. L'officiel, gravé par la monnaie de Turin, portait la légende : "Citta di Conflans Alta Savoia" entourant les armes royales. L'autre avait deux formes. Le cachet conservé au musée, est ovale et porte l'inscription "Ville de Conflans" entourant les armoiries telles quelles sont figurées dans celles d'Albertville. L'autre forme était circulaire - on a conservé simplement l'empreinte - et la légende portait un plus "Province de Haute-Savoie" . Sous ces deux formes, ce cachet transmit l'erreur héraldique. En interprétant les ombres de son modèle, le graveur ne figura le fond rouge de l'écu que sur la partie droite - la couleur rouge ou "de gueules" est représentée, conventionnellement, par des hachures verticales.
Les armoiries, qu'on dit être de l'Hôpital, n'apparaissent que vers 1881. N'ayant pu obtenir en 1814 le nom de Saint Victor, ni en 1824, celui de Charleville, le Conseil de l'Hôpital demandait en 1826 la concession "d'armoiries royales destinées à décorer la façade de l'hôtel de Ville" , l'écusson comporterait à la fois les armes de SAVOIE et une devise qui exprimerait "le dévouement de la cité à la dynastie de ses rois" , cela n'aboutit pas. En 1860, Albertville n'avait guère d'armoiries. L'Hôtel de Ville fut construit entre 1864 et 1867 : on eut l'idée, alors, de fixer sur la façade, un panonceau aux armes de la ville. On prit les armoiries de Conflans comme elles étaient sur le cachet qu'on a décrit plus haut et on sortit, semble-t-il, d'un carton, un projet ancien d'armoiries de l'Hôpital. On peut lui donner l'interprétation suivante : "L'élément principal du paysage sont les rivières figurées par le bleu (azur) que représentent conventionnellement les hachures horizontales de la partie intérieure de l'écu, coulant au milieu des montagnes, marquées par le blanc de la partie supérieure. De ces rivières provient la prospérité de la ville, grâce au flottage du bois, qu'on a voulu rappeler, par l'ancre de couleur, non déterminée (soir au naturel) et grâce à l'extension de l'agriculture, le gerbe de couleur jaune (d'or) qui a suivi l'endiguement de l'Isère" .
A notre connaissance, ni le Conseil du Sceau du Second Empire, ni le Conseil des Fonctionnaires, relevant du Ministère de la Justice de la IIIème République, n'ont officialisé les armoiries d'Albertville. En cette matière, le gouvernement français n'était pas aussi exigeant que celui du roi de Sardaigne. Personne n'a jamais protesté. Après plus d'un siècle d'usage, ces armoiries sont devenues habituelles.... Mais ne serait-il pas temps d'apporter une correction au blason de Conflans : le fond de l'écu "de gueules" comme dans les armes de Savoie ? Comme la pratique de la généalogie, l'étude des armoiries, au delà de son aspect scientifique et de ses anomalies, symbolise une belle chevauchée et surtout "Une passion partagée" !
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