La fête pour saluer d'arrivée de Claude Thélier, l'enfant du pays, huitième de la Route du Rhum – La Banque Postale, en 11 jours, 11 heures, 56 min et 51 sec (moyenne de 12,84 nœuds), s'est prolongée tardivement dans la moiteur de la nuit de Pointe-à-Pitre.
Des milliers de personnes ont longuement patienté non loin de la place de la Victoire. Tout un symbole pour le skipper de Région Guadeloupe -Terres de Passions, qui s'était notamment fixé trois objectifs : Terminer la course à la barre de l'ancien trimaran de Laurent Bourgnon Primagaz, améliorer le record établi par le même Bourgnon sur ce même multicoque en 1998 (12 jours, 08h et 41 min) et finir dans les dix premiers. Thélier a donc tenu ses paris, au-delà de ses espérances.
Il y a quatre ans, c'est au pied levé qu'il avait suppléé Vincent Beauvalet pour terminer 4ème des multicoques de 50 pieds. Grâce à l'aide de sa famille, très majoritairement composée de " voileux ", à celle de 50 entreprises guadeloupéennes et de la Région, il a vécu des moments " uniques sur l'eau " pour connaître " l'aboutissement de 14 mois de travail d'une équipe ". Thélier a bouclé à faible allure son Tour de la Guadeloupe, un parcours sur lequel il s'est imposé à deux reprises en 2004 et 2005 en voile traditionnelle. Il a donc pu, dans les petits airs, dans les derniers milles, savourer sa réussite.
En début d'après-midi des Basse-Terre, au sud de l'île, était paralysée par les embouteillages. A 16h30 Thélier y a enroulé l'ultime bouée. Au rythme des chants des enfants des écoles, libérés par anticipation de leurs obligations scolaires. Thélier a réalisé une manœuvre d'école pour se jouer de cette marque de parcours avant de terminer son tour d'honneur. Escorté par plus d'une centaine d'embarcations tenues à distance par les forces de l'ordre désireuses de prévenir tout abordage ou accident, Thélier a pu apprécier ses passages devant les plages où se sont amassés ses partisans. À Saint-Malo, la championne olympique d'athlétisme Marie-José Perec avait d'abord tenté de baptiser le bateau au champagne, comme il se doit. La bouteille était tombée à l'eau. La seconde tentative avait été couronnée de succès. Une bouteille de rhum s'était brisée sur le multicoque et les Guadeloupéens y avaient entrevu un heureux présage. Thélier n'en a pas moins souffert. " Sur l'eau, en solo, on vit des moments uniques, magiques, mais ce n'est pas évident, a-t-il raconté. Il faut demeurer en permanence sur le qui-vive et surmonter ses peurs ". A plusieurs reprises, Thélier, qui parle créole et qui fait figure de héros en Guadeloupe, a failli se retourner. " Deux ou trois fois, j'ai eu très chaud, c'est le lot de tout le monde, surtout quand on attaque. Une fois, le bateau, sous gennaker, s'est planté par l'avant. J'ai choqué l'écoute et le bateau est revenu du bon côté. La machine a tous les droits et nous avons des devoirs vis-à-vis d'elle ". Thélier a par ailleurs souligné que " le Rhum est une course en solo qui se gagne en équipe ". Il a souhaité voir un Guadeloupéen s'imposer " même s'il fut attendre 20 ans. " Il a enfin formé le voeu que tous les marins encore en mer reçoivent à l'arrivée un accueil semblable à celui qui lui a été réservé à l'arrivée. Mais ce pari là sera bien difficile à tenir, compte tenu de l'enthousiasme suscité lorsqu'il fit le tour de la Darse au son des orchestres pour saluer ses supporteurs. Comblé mais trempé, après avoir été jeté à l'eau par son entourage comme le veut la tradition, Thélier n'avait plus que deux objectifs : manger et disputer un Grand Prix aux côtés de Lionel Lemonchois " pour voir comment il fit avancer son bateau. C'est un truc de fou, ce qu'il a réalisé ".
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