Une chambérienne à l'assaut des sommets |
| Maman est guide de haute montagne |
Rare femme à pratiquer ce métier, Françoise Gendarme mène côte à côte une vraie vie de famille et une passion qui l'emmène régulièrement sur les sommets. |
Des hauteurs de Chambéry, depuis sa maison adossée aux contreforts de la montagne de l'Epine, Françoise Gendarme et Myrtille regardent tranquillement le ciel. Octobre est bien clément et les nuages qui caracolent sur les Bauges ne semblent inquiéter ni la maman, qui en a vu d'autres, ni sa fille de huit mois qui babille en se pelotonnant contre elle. Bientôt, Françoise ira chercher la grande soeur Charlotte au collège. Puis, le soir arrivera, Olivier rentrera du travail et la maison s'animera des conversations de toute la famille. Une famille comme beaucoup d'autres? sauf qu'ici, maman n'est ni prof de lycée, ni secrétaire trilingue, ni infirmière, et n'exerce aucune des professions habituellement occupées par les femmes. Non, Françoise a choisi un métier jusque là réservé aux hommes : elle est guide de haute montagne ! « Là où il y a un chemin, il y a une volonté? » C'est là le résultat d'une passion qui remonte à la prime enfance, quand ses parents l'emmenaient en randonnée sur les pistes et massifs de l'Iran. Ingénieur des travaux publics, son père construisait alors des barrages dans ce pays. « De retour en France, mes parents nous ont fait découvrir les Alpes, m'emmenant partout et ne faisant aucune différence avec mes frères ». C'est durant ces années que Françoise a mesuré son sentiment pour la montagne, à l'aune des arêtes et parois gravies, des crevasses franchies, des pentes raides dévalées sur ses skis. Une passion si profondément ancrée qu'elle en a fait un métier, suivant ainsi la voie de son frère aîné. Entrée comme aspirant guide à l'Ecole Nationale de Ski et d'Alpinisme de Chamonix, elle a décroché le prestigieux diplôme en 2000. Depuis, elle s'est complètement intégrée dans la profession, rejoignant même le comité directeur du Syndicat National des Guides de Montagne, basé à Chambéry.
Une autre sensibilité face à la montagne.
A ce jour, elles ne sont guère plus d'une dizaine de femmes (sur 1500 professionnels) à avoir franchi les fourches caudines d'un cursus qui exige en pré-requis une grande expérience de l'altitude ainsi qu'un fort niveau technique dans la neige comme sur la glace, dans le rocher comme en terrains mixtes. Une formation où les capacités physiques, techniques et morales sont très sollicitées. « Cela n'empêche pas les femmes de manifester leur propre sensibilité face à la rudesse du milieu naturel. Nous sommes plus patientes et nous anticipons plus facilement les difficultés que vont rencontrer nos clients », explique Françoise. A 38 ans, elle envisage toujours la montagne sereinement, sans jamais vouloir la conquérir. « Ce qui m'intéresse, c'est avant tout de pouvoir la partager avec mes clients », dit-elle. Bel équilibre en vérité que celui atteint par cette jeune femme, qui ne rate pas une rentrée des classes, qui consacre du temps à sa famille, tout en exerçant une activité professionnelle très exigeante. « En vérité, il m'est toujours difficile de quitter les miens pour une course. Avant, je mets des heures à faire mon sac. Pendant, je suis pleinement dans l'ascension avec mes clients, dont certains deviennent des amis. Après, je n'ai plus qu'un désir : rentrer à la maison et retrouver Myrtille, Charlotte et Olivier. En fait, je suis comblée » conclut Françoise, pour qui la vie "d'en bas" aura toujours le dernier mot.
Bruno Cilio, journal mensuel d'information Alp'Horizon, Chambéry, novembre 2003. |
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