Avril 1814, Napoléon abdique |
Napoléon grave une tablette intitulée : "Code Napoléon". Il ne regarde pas la tablette mais droit devant lui, comme si ce qu'il inscrivait lui venait d'une inspiration extérieure. Le temps, figuré par le vieillard à la faux, s'extasie devant le résultat de ce travail et décerne à Napoléon une couronne de laurier. A côté de l'empereur, le fameux manteau gris, surmonté du non moins fameux chapeau noir, recouvrent partiellement une enseigne de la Grande Armée dont on aperçoit l'aigle et un drapeau tricolore. Derrière, un buisson de laurier et une palme symbolisent les victoires militaires, tandis qu'aux pieds de Napoléon un aigle mort rappelle la défaite finale, et qu'en bas à droite la silhouette d'une île rappelle la fin de l'Empereur, exilé à Sainte-Hélène. |
| Les Autrichiens occupent Chambéry puis la Maurienne |
Après les échecs français de la campagne de Russie en 1812 et de la campagne d'Allemagne en 1813, les coalisés entrent à Paris le 31 mars 1814 et Napoléon se retire à Fontainebleau. Pendant ce temps, les Autrichiens reprennent l'offensive. Le 10 avril 1814, le général Bubna franchit l'Isère et se dirige vers la Maurienne.
|
Avec les troupes qu'il garde en mains, Napoléon reste dangereux. Ses soldats, pleins d'ardeur, défilent devant lui en chantant la Marseillaise et en criant : "A Paris ! A Paris !". Alors qu'il s'apprête à donner l'ordre de l'offensive, les maréchaux, las de la guerre, refusent d'obéir. "L'armée ne marchera pas sur Paris ! déclare Ney... L'armée m'obéira, réplique l'empereur ... Sire, l'armée obéit à ses généraux". Devant cette révolte, Napoléon signe son abdication le 6 avril 1814. Par le traité de Fontainebleau du 11 avril 1814, il garde son titre d'empereur avec la souveraineté de l'île d'Elbe et, le 20 avril, dans la cour du palais de Fontainebleau, il fait aux soldats de la Vieille Garde des adieux pathétiques, embrassant leur étendard. Enfin, le 28 avril, il s'embarque à Fréjus sur une frégate anglaise et quitte le continent pour l'île d'Elbe.
Pendant ce temps, notre région a été envahie par les Autrichiens. Ils occupent Chambéry le 20 janvier 1814 avant d'être refoulés sur Genève, par les généraux français Marchand et Dessaix. Insuffisant pourtant car les Autrichiens reprennent l'offensive. Le 10 avril 1814, le général Bubna franchit l'Isère et se dirige vers la Maurienne. Le même jour, les Autrichiens arrivent à Epierre. Le 12 avril au soir, ils occupent La Chambre. Le 16 avril, ils sont à St-Jean-de-Maurienne. Les combats cessent après la notification officielle de la suspension d'armes entre Dessaix et Bubna. Le sort de la Savoie est alors réglé au premier traité de Paris du 30 mai 1814 : le territoire est coupé en deux parties, l'une à la France, l'autre au royaume de Sardaigne. Cette première occupation autrichienne (il y en aura une autre en 1815) a d'abord été bien acceptée. Le 2 avril, le général Bubna adressait depuis Chambéry une proclamation aux habitants de la Savoie, qui se terminait ainsi : "Rappelez-vous la législation sage et paternelle de l'ancienne Maison de Savoie ; comparez-la avec les 22 années de malheur qui viennent de s'écouler et jugez ! Le retour de vos princes est prochain. Savoyards, un heureux avenir est entre vos mains". Le pays accueille avec joie cette nouvelle ; c'est la fin de la guerre. Mais le général Bubna nomme parallèlement une commission afin de pourvoir à l'approvisionnement des armées alliées, pendant leur séjour dans le département du Mont-Blanc. Les populations doivent alors satisfaire aux réquisitions d'une armée qui ne dispose d'aucune intendance et qui arrive victorieuse.
Un document conservé dans des archives privées donne "l'état des denrées diverses fournies par la commune de Bonvillard suivant les réquisitions adressées au maire, versées depuis le 28 mars et durant le mois d'avril 1814, aux magasins de la place d'Aiguebelle, aux camps d'Aiton et de Bonvillaret, pour le service des troupes autrichiennes. Pain de seigle et d'orge, viande, pommes de terre, vin, foin et avoine sont payées par la sous-préfecture de Saint-Jean à qui la note est adressée. En 1815, après le retour de Napoléon de l'île d'Elbe pour un règne de cent jours, notre région connaît de nouveau l'occupation autrichienne. Les soldats arrivent cette fois-ci de Turin par la Maurienne : à la fin juin ils sont à Aiguebelle et sur les hauteurs d'Aiton, avant d'entrer à Chambéry le 3 juillet. Après le deuxième traité de Paris du 20 novembre 1815, la Savoie tout entière retrouve le régime sarde jusqu'en 1860 ; elle ne connaîtra plus d'occupations étrangères jusqu'en 1940.
|
Les Mémoires de Jean Girod, pharmacien et maire d'Aiguebelle
A cette époque, livrent les détails sur l'entrée des envahisseurs à Aiguebelle : " Les Autrichiens arrivèrent en masse par Aiton, Bonvillard et Bonvillaret. Le général Dessaix vint à Aiguebelle avec une ou deux compagnies qui montèrent à Bonvillaret à la rencontre de l'ennemi. Le général n'avait qu'une pièce de canon qui fut placée au pré de foire. Un boulet atteignit le cellier de Saturnin Cordel. Il était rempli d'Autrichiens qui sortirent aussitôt, faisant feu sur les artilleurs. Les Français furent acculés dans le ruisseau de Randens ; plusieurs tombèrent dans le ravin. Les blessés étaient transportés à Aiguebelle. Je me rappelle les cris qu'ils poussaient en traversant la petite rue. Le lendemain matin, lundi de Pâques, 11 avril, les Autrichiens entrèrent à Aiguebelle. Ces soldats étaient des Croates qui n'avaient que des capotes pour habillement ; ils étaient tout déguenillés ; cela les faisait ressembler à des mendiants ".
|
Le maire d'Ugine accueille les libérateurs
Joseph-Marie Delachenal, maire d'Ugine, écrivit le 18 avril 1814 au président autrichien de la commission subsidiaire de l'arrondissement d'Annecy pour lui signifier son allégresse. Après avoir été fervent républicain, puis partisan du régime impérial, l'élu venu royaliste s'exprimait en ce sens.
" La nouvelle des événements mémorables dont vous avez bien voulu me donner connaissance par votre circulaire du 12 de ce mois m'est parvenue le 16 : elle a été publiée de suite aux cris de " Vive le roi de Sardaigne, Vivent les puissances alliées ! ". Dès ce moment l'allégresse a été générale ; les jeunes gens comme les vieillards ont été dans la plus grande satisfaction, tous les habitants y ont pris la part la plus sensible. On a détruit le même jour tout ce qui restait encore des inscriptions républicaines et on a arboré la cocarde bleue. Le dimanche 17 avant la messe, les autorités administratives d'Ugine et d'Outrechaise, l'instituteur de l'école primaire, les personnes les plus notables de la commune se sont réunis à la mairie et nous nous sommes rendus en corps à l'église, accompagnés des militaires retraités. Toute la journée a été célébrée par des danses, par des chansons, par des promenades et des assemblées amicales. Il y a eu illumination pendant la nuit et on n'a pas cessé de se réjouir de cette joie sincère et naïve dont les signes ne sont pas équivoques ".
(d'après P. Broise et Alii, Histoire d'Ugine, Annecy, 1975)
Jean Prieur, journal mensuel d'information Alp'Horizon Savoie, Chambéry.
|
|